- eglisedumusee
Nuit, mère des lumières
Laurence Flachon
« L’obscurité contient tout en elle » écrivait Rainer Maria Rilke dans Le livre de la vie monastique.
Le pire et le meilleur
... ceux qui font du profit, délaissent, agressent et les gestes de solidarité, les talents partagés, les applaudissements spontanés.
Le pire et le meilleur
... ainsi cette fameuse nuit où se succèdent la mort des premiers nés égyptiens et la libération du peuple hébreu, poussé à sortir par des égyptiens apeurés.
(Exode 12, 29-42)
Naissance et violence. Violence d’une naissance.
Parce qu’un Pharaon comprend qu’il s’est trop obstiné,
parce qu’un peuple, enfin constitué, court vers sa destinée.
Parce qu'un virus a bouleversé nos plans, nos destinées, nos sociétés,
parce qu'au milieu de la mort, la vie et les gestes qui la portent sont souvent plus forts.
La nuit, temps de révélation de tous nos esclavages,
porte en elle la promesse d'un jour nouveau.
Serons-nous un peu plus sages quand il faudra limiter ce que nous aspirons à posséder, à parcourir, à dominer ?
Serons-nous suffisamment fous pour aimer sans mesure, protéger avec fougue les personnes et les lieux vulnérables, encourager sans compter les arts et la culture ?
Et puis il nous faudra raconter.
Raconter la nuit, la séparation fondatrice.
La violence et la naissance.
L’incompréhensible et la libération
Raconter pour exister,
raconter pour résister à tout retour en arrière, comme si la nuit n'avait pas été.
Nuit, mère des lumières,
En son sein Lumière est.
Déjà sang, déjà lait,
Déjà chair déchirée,
Déjà voie de tendresse,
Déjà voie de douleur,
Déjà prête à mourir,
Mais toujours renaissante,
Déjà ultime sursaut,
Mais toujours
premier jet.
François Cheng, "Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie".

L'image qui illustre ce texte est de Hassan Massoudy, the Calligrapher's Garden.
"The flower is always within the almond", Henri Bosco (1888-1976)